Chez les jumeaux

Elya avait soudainement disparu dans un grand "boum". Charlie cligna des yeux, comme si son cerveau mettait un temps à traiter l'information. Puis, le grand homme rejoignit le blond de l'autre côté du lit, l’air inquiet.

« Elya, vous allez bien ? » demanda-t-il.

Il gémissait quelque chose, que Charlie ne comprit pas dans un premier temps. Il supposa qu'il sous-entendait que c'était son monde qui lui manquait et il demandait à l'homme de le ramener chez lui, le regardant avec des yeux tout humides ! Charlie se gratta l’arrière de la tête, ne sachant pas trop comment réagir...

« J'aimerais bien vous aider, mais... ce ne serait pas très prudent de repartir dans votre état ? Et si vous croisez de nouveaux bandits ? Ou pire ! Si les assassins reviennent, et ils sont en colère et cette fois-ci, ils vous tuent ? Vous devriez guérir un peu avant... Il faut écouter les infirmières ! Elles savent ce qu'il faut faire de bien ! »

Il retiendrait Elya s'il le faut ! Pas question qu'il se fasse blesser encore plus que maintenant ! Charlie avait un peu l’impression que c’était sa faute s’il arrivait autant de malheurs au jeune homme ces derniers jours. S’il ne l’avait pas invité à rester chez eux… Il serait sûrement en train de faire quelque chose de plus plaisant, sans aucune côte cassée ! Et pour ce qui était de l'emmener dans son propre monde... Est-ce que ça voulait dire que le jeune homme voulait vraiment que Charlie l'accompagne ? Si c'était ça, peut-être qu'il devrait en discuter avec Sean... Le grand homme voulut demander des précisions à Elya, mais au même moment, on toqua à la porte de la salle.

Un homme à lunettes, vêtu d'une blouse blanche et affublé d'un petit chapeau posé sur son épaisse tignasse venait d'entrer.

« Bonsoir... » il s'arrêta net, observant l'intérieur de la salle, surpris. « Que se passe-t-il se passe ici ?
- Il est tombé... » informa Charlie en désignant Elya.

Le nouveau venu se précipita vers le blond, l'air inquiet.

« Monsieur Elya, vous allez bien ? » demanda-t-il en inspectant le jeune homme d'un rapide coup d'œil, mais il ne sembla pas voir quoi que ce soit de particulièrement grave. « Voulez-vous que je vous aide à vous relever ? »

Il demandait tout de même avant. Il n'avait pas envie de forcer Elya à se faire toucher ou agripper s'il n'en avait mas envie... Il ferait en fonction de sa réponse. En attendant, il avait peut-être oublié de faire quelque chose d’important…

« Oh, je crois que j'ai oublié de me présenter, avec tout ça... Docteur Honest Lambda, je travaille ici, votre ami m'a conseillé de venir vous voir. »

Il désignait Charlie, qui lui avait l'air bien confus.

« Euh... Non, j'ai rien dit moi, ça doit être mon frère... » répondit le concerné... enfin, le non-concerné du coup.
« Oh. »

Décidément ! Ça aurait peut-être été mieux que ce soit Sean qui aurait été présent... Il aurait eu plus d'occasions de faire quelque chose, au lieu de rester planté là à regarder ce qu'il se passait ! Le docteur s'était à nouveau tourné vers le jeune homme.

« Monsieur Elya, j'aimerais discuter seul à seul avec vous. J'aurais préféré qu'on aille dans mon bureau, c'est un peu plus chaleureux qu'ici, mais... Dans votre situation, ça ne va pas être possible. » dit-il. Il se tourna ensuite vers le grand homme. « Pourriez-vous nous laisser seuls, s’il vous plait ? »

C'est ça, Charlie était définitivement de trop ici, il n'avait pas de quoi faire pour aider Elya, et en plus on le jetait dehors ! Peut-être qu'il devrait attendre à l'entrée de l'hôpital... ou alors partir carrément, si on n’avait pas besoin de lui… Il se dirigea vers la sortie de la salle, peiné, et en sortit. Le docteur attendit que la porte soit bien refermée, pour prendre la chaise sur laquelle Charlie était précédemment assis, et s’y assoir à son tour.

« Par où commencer… Monsieur Elya, votre ami Sean m’a raconté que vous aviez eu un comportement étrange par deux fois déjà, et il ne s’était pas spécialement senti très rassuré quand c’est arrivé. Est-ce que vous avec une idée de ce qui pourrait causer ce genre de réaction chez vous ? J’aimerais en savoir plus, pour qu’on puisse peut-être trouver une solution pour vous aider ? »

Comment ça, il n'était pas un vrai médecin ? Surpris par l'affirmation d'Elya, le docteur hocha la tête, un sourcil levé.

« Eh bien, je suis psychiatre, donc techniquement je... » commença-t-il à répondre, avant de se stopper net. « Oh. Est-ce que c'est le chapeau ? On m'a déjà dit qu'il était ridicule. J'aurais peut-être dû le laisser dans mon bureau... »

Il attrapa son couvre-chef et le retira à contrecœur. Pourquoi est-ce que personne n'aimait ce chapeau... Son visage n'afficha pas d'émotion particulière... Et heureusement. Si Elya ne le prenait déjà pas au sérieux, qu'est-ce que ça serait s'il remarquait qu'Honest était peiné de devoir retirer son chapeau... ? Il écouta donc attentivement Elya parler, ce dernier racontait ce qu'il lui était arrivé. L'homme se garda de lui avouer qu'il connaissait déjà l'histoire, puisque Sean la lui avait racontée. Cependant... Avoir le point de vue du concerné pouvait apporter quelques informations utiles. Comme par exemple ce "d'habitude" que le jeune homme avait prononcé, qui interpellait fortement monsieur Honest... Il ne le commenta pas. Il garda cette information quelque part dans un coin de sa tête... Ça pourrait très bien lui servir pour plus tard.

« Est-ce que vous savez ce qui l'a poussé à vous attaquer ? » demanda le docteur, essayant de continuer à obtenir des informations du point de vue du jeune homme.

Il écouta la suite avec attention. Son malaise ne lui échappa pas, et il se contenta d'acquiescer suite aux paroles de son patient, pour ne pas le contrarier davantage.

« Oui... Oui, bien sûr. » dit-il pour accompagner son mouvement de tête. « Excusez-moi, j'étais parti du principe que c'était votre ami. J’imagine que c’est pour ça qu’il a préféré m’en informer, puisqu’il n’est pas encore entièrement familier avec vous, monsieur Elya. »

Il avait tellement de chose qu’il voulait aborder auprès du jeune homme, surtout concernant l’attaque dans l’appartement… Et autre chose d’assez important, dont Honest avait été mis au courant. Mais il sentait que c’était peut-être encore un peu trop tôt pour en parler… Elya n’avait pas l’air d’être tout à fait en confiance. Il avait envie de partir d’ici au plus vite, semblait-il…

« Malheureusement, les potions sont surtout utiles pour les petits bobos, enfin après, si vous en prenez beaucoup régulièrement… elles finiront par vous soigner, j’imagine, mais ça risque de tout de même vous coûter cher en potions, et en attendant, la douleur ne partira pas. Vos am… Enfin, les deux jeunes hommes avec qui vous avez passé les derniers jours sont prêts à voir avec vous pour vous aider à payer les médicaments. » annonça le docteur. Et pour ce qui était de sortir d’ici… « De ce que j’ai entendu, ils veulent encore au moins vous garder cette nuit pour vérifier que votre état n’empire pas. Je n’ai pas vraiment mon mot à dire de ce côté-là, même si j’essaie de les convaincre, je pense qu’ils vont m’envoyer balader, et ça va se solder par un échec. »

Après tout, il n’était pas responsable de ce genre de soins ! Il s’y connaissait un minimum, mais ça ne suffirait pas à convaincre qui que ce soit. Et de toute façon, il avait bien besoin qu’Elya reste encore un moment, comment est-ce qu’il pourrait lui parler, sinon ?

Honest secoua la tête devant la question d'Elya.

« J'ai seulement entendu des rumeurs, la police serait en train de les rechercher, mais ils ne les ont pas encore trouvés. Ils ont juste appréhendés des bandits, qui vous ont aussi attaqué si j'en crois ce que j'ai entendu ? »

Ça n'avait pas du tout l'air d'avoir été sa journée. Surtout qu'il avait déjà rencontré son agresseur plus tôt dans la journée ?

« Vous étiez aussi présent au moment de l'attaque du photographe ? Et c'était exactement les mêmes personnes ? »

Le jeune homme n'avait décidément pas de chance aujourd'hui. Et comme on disait, jamais deux sans trois... Et si ces personnes revenaient encore pour tenter de finir le travail ? ... Peut-être que monsieur Lambda ne devrait pas mentionner tout ça à Elya. À la place, il se contenta de répondre à une autre question du jeune homme :

« Vous n'avez pas besoin de revoir la police, vos am... Enfin... Ils se sont chargés de tout leur rapporter. À moins que n'ayez envie de leur faire part de votre point de vue ? »

Parfois, un petit élément vu par quelqu'un d'autre pouvait tout changer ! Mais personne n'allait forcer Elya. Il le ferait... s'il en avait envie. Et pour l'instant, ce qu'il semblait avoir envie de faire, c'était quitter l'hôpital au plus vite. Honest hocha la tête devant ses paroles.

« Très bien. Je leur dirais... » répondit le docteur, sachant pertinemment que s'il le disait ou non, ça ne changerait rien du tout pour Elya.

Il en venait à se demander si le jeune homme n'était pas un habitué des hôpitaux... Impossible à dire pour le moment, mais son angoisse des lieux inquiétait quand même Honest. Et les marques qu'il avait reconnues... Tout ça ne faisait qu'augmenter la détermination de l'homme pour essayer de l'aider. Hors de question de le laisser partir rapidement d'ici, du moins pas tant qu'il n'était pas sûr de ce qui n'allait pas chez le jeune homme !

Elya demandait à prendre quelque chose pour pouvoir s'endormir plus facilement. Honest hésita.

« Je pense qu'il faudrait que je vois ça avec une infirmière. » dit-il, avant d'appuyer sur un bouton du dispositif situé à côté du lit, pour appeler quelqu'un.

Un petit moment passa, puis la porte s'ouvrit doucement et une femme fit son apparition. Sa mine se renfrogna instantanément lorsque ses yeux se posèrent sur Honest. Elle poussa un soupir.

« Ah. J'espérais que t'étais parti, depuis le temps. » fit-elle.

Son regard était suspicieux, regardant tour à tour le docteur et Elya. Ce fut au tour du premier de soupirer.

« C'est moi qui ai appelé.
- Ah oui ? Qui me dit que tu ne traumatises pas ce jeune homme et qu'il a appelé à l'aide ? » répondit la femme, laissant un Honest perplexe.
« Je ne traumatise personne... » lui annonça-t-il, jetant un petit coup d'œil à Elya.

Il ne le traumatisait pas, n'est-ce pas ? Il ne devait pas avoir fait ou dit de trucs terribles. Et si quelque chose lui avait échappé ? Il observa Elya un petit instant, pour vérifier s'il n'était effectivement, pas traumatisé par sa présence, avant de se focaliser à nouveau sur l'infirmière.

« Et puis, j'ai fini pour aujourd'hui. Monsieur Elya voudrait un somnifère.
- C'est vrai, ce mensonge ? »

Maintenant, c'était au tour de la femme de regarder en direction d'Elya, pour recevoir confirmation. Le docteur leva les yeux au ciel, agacé par le comportement de sa collègue. Celle-ci se retourna d'un coup vers lui, arrachant un sursaut de sa part.

« Alors c'est bon ? » lança-t-elle. « Tu lui as parlé du truc super important dont tu es l'expert ? »

La discussion aurait peut-être pu avoir l'air normal... si on ne faisait pas attention au ton qu'avait pris la femme pour parler. Un ton sec, rempli de reproches, et ses yeux lançaient des éclairs. Elle ouvrit un dossier qu'elle avait en main et sembla se perdre dedans pendant un instant, alors qu'Honest s'était raidi, l'air contrarié. Il ne répondit cependant pas, et un silence gênant s'installa. L’infirmière continua de feuilleter le dossier en silence, et finit par le refermer au moins d’un petit moment.

« Bon, eh bien y a pas de raison qui l’empêche de prendre un somnifère. Je vais vous chercher ça, c’est mieux que ce soit moi qui vous le rapporte, on ne sait jamais ce que cet homme honnête pourrait vous donner à la place… ! »

Et voilà qu’elle lançait à nouveau une œillade mauvaise à Honest, qui soupira de plus belle.

« Claire, s’il te plait, est-ce que tu peux me citer un seul moment où j’ai décidé de donner n’importe quoi à un patient pour voir comment il réagirait ? »

L’infirmière ignora superbement son collègue, pour s’adresser à Elya :

« C’est le pire psy qu’on aurait pu vous donner…
- Si tu ignores ma question, c’est que tu n’as pas de réponse à me fournir, j’imagine… » grommela Honest.

Ce pauvre Elya qui devait assister à cette scène de ménage… Avec aucun moyen de s’en aller en plus ! La femme s’était à présent à nouveau tournée vers le docteur, le pointant du doigt.

« Qu’est-ce qu’ils ont pensé quand ils t’ont attribué ce patient ? T’as conscience du problème ?
- Monsieur Elya attend ses somnifères. »

Honest semblait au bout de sa patience… L’infirmière souffla, frustrée, avant de sortir de la chambre, et le calme fut enfin de retour. L’homme resta un court moment debout, fixant la porte, avant de s’assoir tout doucement sur la chaise posée au milieu de la chambre.

« Pardonnez toute cette agitation monsieur Elya. Elle ne m’apprécie pas vraiment. » annonça-t-il pour le jeune homme.

Il lui lança un regard, espérant que cette histoire ne l’avait pas trop embêté, ou rendu anxieux. Et si jamais le blond avait une question sur ce qu’Honest était censé être l’expert…

« C’est juste une façon de parler, je n’ai pas de spécialisation précise. »

L’infirmière revint peu de temps après, avec un verre d’eau et un somnifère pour Elya. Elle donna le tout au jeune homme avant de repartir, prenant bien soin de jeter un coup d’œil mauvais à Honest avant de sortir. Ce dernier répondit par un air agacé, avant de se lever pour partir à son tour.

« Bonne nuit, monsieur Elya. » dit-il de disparaître à son tour.

Bon, espérons que le jeune homme allait quand même passer une bonne nuit, mais le somnifère était là pour ça, non ?

* * *

Le lendemain, assez tôt, une infirmière entra dans la chambre d’Elya. C’était la première qu’il avait aperçu lorsqu’il s’était réveillé le jour d’avant. Pas de trace d’Honest ou de sa collègue bizarre… pour le moment.

« Bonjour monsieur, vous avez bien dormi ? Comment vous sentez-vous ? » demanda-t-elle.

Elle attendit qu’il réponde, avant de continuer :

« On voudrait procéder à quelques examens pour voir si tout va bien de votre côté. »

De toute évidence, même si Honest leur avait fait part de ce qu’Elya lui avait dit, ils ne semblaient pas vraiment pressés de le faire partir…

Qu’Elya soit rassuré ; non, Honest n’avait jamais eu de problème avec ses patients ! Si sa collègue était si peu sympathique avec lui c’était pour… autre chose, que le médecin n’avait pas l’air de vouloir avouer pour le moment. Mais la principale information, c’était que le jeune homme ne risquait rien ! Enfin, ça, c’était s’il ne se révélait pas soudainement agressif. C’était vrai qu’Honest pouvait des fois être confronté à des patients comme ça… mais ce n’était pas vraiment lui qui leur causait des problèmes, dans ce cas, c’était eux ! Heureusement, il était préparé à ce genre d’incident à présent…

Le lendemain… L’infirmière qui était dans la chambre d’Elya, avait un peu pitié du jeune homme… et ça se voyait dans ses yeux ! Elle tenta d’expliquer ce à quoi consistaient les examens de ce matin :

« C’est pour faire un check-up, et vérifier que ça ne s’est pas aggravé pendant la nuit… »

Ce fut tout ce qu’elle put dire, avant de voir le comportement du jeune homme changer. Qu’est-ce qu’il faisait là ? Pourquoi il la menaçait comme ça ?! La jeune femme eut un mouvement de recul, et maintenant, elle avait l’air terrifiée ! Plus de pitié dans son regard ! Elle bafouilla des paroles qui n’eurent absolument aucun sens, puis s’enfuit d’un pas rapide de la chambre sans rien ajouter de plus, laissant la porte entrouverte. Un moment assez long se passa ensuite, et personne ne sembla venir… Puis, la porte s’ouvrir tout doucement. C’était Honest. Il avait l’air un peu inquiet, mais pas aussi terrifié que sa collègue juste avant, en tout cas.

« Monsieur Elya… ? Vous allez bien ? » Il avait aussi l’air complètement confus. « Désolé, ils n’ont pas voulu écouter quand je leur ai dit que vous vouliez repartir d’ici. » Est-ce qu’il disait la vérité, là ? Qui sait… ? Il eut un petit rire gêné, avant de commencer quelques explications. « Ils ont tendance à faire beaucoup d’examens pour vérifier que tout va bien… parce qu’il est déjà arrivé que quelqu’un porte plainte, parce que l’hôpital avait laissé partir une personne sans faire plus de vérification, elle était encore malade et a trouvé ça inacceptable, vous voyez le genre de personne ? »

Et c’était donc pour ça qu’ils avaient décidé de faire trop d’examens, que pas assez… Autant passer d’un extrême à l’autre ! Le médecin, toujours à la porte, entra dans la chambre, mais il ne s’approcha pas trop d’Elya non plus. Honest poussa un soupir.

« Monsieur Elya… À propos de ce qui s’est passé juste avant… Vous ne devriez pas menacer de tuer les gens comme ça… Ma collègue était toute paniquée quand je l’ai croisée dans le couloir. » dit-il ensuite, l’air toujours soucieux. « Si vous continuez, j’ai peur qu’ils n’hésiteront pas appeler la police, qui ne va pas hésiter à vous enfermer quelque part… »

C’était vrai ! Il n’avait pas envie qu’Elya soit jeté en prison comme ça. Ça ne l’aidera sûrement pas à résoudre ses problèmes ! Le docteur fit un pas en avant pour se rapprocher du jeune homme… légèrement. Il n’allait pas trop près non plus… !

« Si vous voulez, je peux rester avec vous pendant les examens, si ça peut vous rassurer. »

* * *

Le check-up se passa… plus ou moins bien, disons. Honest fit de son mieux pour parler à Elya pour le rassurer, mais bon… Les résultats tombèrent, rien ne s’était aggravé et le jeune homme allait bien ! Il pouvait maintenant repartir, s’il le souhaitait toujours… en tout cas, l’infirmière qu’il avait menacée, elle, souhaitait bien qu’il parte… ! Honest raccompagna Elya dans sa chambre, lui sortant de l’armoire ses vêtements, peut-être un peu trop placés en hauteur pour qu’il puisse les récupérer sans se faire mal…

« J’aurais aimé pouvoir discuter plus longtemps avec vous, mais je ne vais pas vous obliger à rester dans l’hôpital si vous n’y êtes pas à l’aise… » avoua le docteur. « Mais si vous avez une idée d’un lieu en dehors de l’hôpital où on pourrait se retrouver, est-ce que vous seriez d’accord ? »

Honest avait un peu l’impression de lui donner un rencard quelque part, et ce n’était pas du tout son intention… En espérant qu’Elya n’aie pas cette même impression !

Honest voyait bien la détresse d’Elya, mais après toutes les émotions du jour d’avant et du matin, il se disait qu’il devrait peut-être ne pas trop le brusquer, du moins pour aujourd’hui. Surtout que même l’idée que le docteur doive discuter encore avec lui semblait le stresser encore plus ! Il avait bien des choses assez… importantes, à mettre au clair avec lui. Mais pas pour tout de suite, ça n’allait pas le faire… Bon, il devait quand même essayer de le rassurer un minimum…

« Non, non, non, ne vous inquiétez pas, vous n’avez rien de grave, en tout cas il n’y a rien qui soit urgent. Inutile de vous affoler pour ces discussions ! »

Si on ignorait les individus qui avaient attaqué Elya le jour d’avant, Honest jugeait qu’il ne devrait y avoir personne d’autre qui devrait lui vouloir du mal en ville. Voyant que le jeune homme galérait à s’habiller, Honest lui proposa son aide. Une fois ça de fait… Elya demandait ses armes.

« Oh, elles sont dans une pièce à part. Si vous avez fini tout ce que vous vouliez faire ici, on peut y aller. »

En vrai, personne ici n’était vraiment surpris qu’il possède des armes… Et c’était bien normal ! Ils étaient peut-être dans une ville, mais en dehors, il ne fallait pas oublier la présence de monstres… C’était donc tout naturel que certains patients venus à l’hôpital se retrouvaient à avoir des armes sur eux. Mais pour la sécurité des infirmiers et des médecins, toutes les armes étaient gardées dans une pièce à l’entrée, bien fermée pour éviter que quelqu’un puisse y entrer par effraction et tout prendre. Ils n’avaient, étrangement, pas eu de problèmes avec ça… Du moins pour l’instant !

Honest guida donc Elya vers cette pièce, où il put chercher les armes du jeune homme et les lui rendre. On tentera d’oublier qu’en chemin, ils avaient croisé Claire, la fameuse infirmière qui n’aimait pas trop le psy, et elle lui avait lancé un de ces regards en le voyant entrer dans la salle des armes. Qu’est-ce qu’elle pensait, encore ? Qu’il allait prendre quelque chose pour lui et se mettre à attaquer n’importe qui ?! Enfin bref, il avait donc rendu ses armes à Elya, et ils étaient ressortis de la pièce, maintenant bien refermée. Par contre, même si avoir une arme sur soit n’était pas surprenant… Honest était quand même curieux.

« Vous avez vraiment besoin d’autant d’armes sur vous ? » demanda-t-il à Elya. « Ça vous arrive souvent de combattre ? »

Il ne pouvait pas s’empêcher de ne pas être totalement en confiance… Non ! Ça devrait aller, il avait bien réussi à canaliser le jeune homme jusqu’à maintenant. Rien de terrible ne devrait se passer, n’est-ce pas ? Maintenant, si Elya le souhaitait (et Honest imaginait que oui !), il l’accompagnerait à la sortie de l’hôpital, où le blond allait sûrement enfin pouvoir respirer un peu ! Il pourra enfin se promener où il voulait (même s’il devait ménager ses côtes !), aller manger ce qu’il voulait… À cette pensée, Honest s’arrêta net dans sa marche, réalisant quelque chose.

« Monsieur Elya… Dites-moi qu’ils ont pensé à vous donner de quoi manger depuis que vous êtes arrivé. »

Ils avaient pensé à faire tous les examens possibles et inimaginables pour vérifier que tout allait bien chez lui… Ils n’auraient pas oublié de lui donner au moins un repas, quand même ? Le jeune homme avait dit qu’il avait faim, quand Honest l’avait rejoint plus tôt. Oh non…

« Les imbéciles, ils ne sont pas fichus de faire quelque chose de correct des fois ? »

Ah, il avait l’air plutôt énervé à présent… Il s’était retourné vers l’hôpital, comme s’il était prêt à rentrer dedans et aller engueuler l’entièreté du staff… Mais il se ravisa, et soupira.

« Monsieur Elya, je vais vous amener quelque chose à manger, pour pardonner leur oubli. Ça vous va ? »

Bon, s’il voulait quelque chose en particulier, c’était le moment d’en profiter… ! S’il voulait lui répondre, il en aurait juste eu le temps, avant que quelqu’un ne s’approche d’eux. Une présence familière… Ah ! C’était Charlie ! … ou Sean… Charlie… Sean… Seanlie… Charlean…

« Elya ! » interpela le grand homme alors qu’il s’approchait, s’accompagnant d’un timide mouvement de main à l’adresse du docteur. « Vous allez bien ? Pardon de ne pas avoir pris de nouvelles plus tôt… »

Ce fut Honest qui répondit en premier :

« Sur le plan physique, à part ses côtes, tout va bien. Le reste… Je pense que monsieur Elya est le mieux placé pour savoir s’il veut en parler ou non, n’est-ce pas ? »

Il regardait le jeune homme en parlant, si ce dernier voulait dire quelque chose maintenant, c’était le moment ! Le grand homme écouta les paroles (ou l’absence de paroles…) d’Elya, avant de reprendre :

« Je ne sais pas ce que vous voulez faire Elya. Je pense que vous allez vouloir partir ? Charlie voulait vous voir une dernière fois au moins. » Ah, eh bien c’était Sean qui parlait, le mystère est enfin résolu… ! « Il m’a dit qu’il avait une idée et que c’était important que vous soyez là… Mais il ne m’a pas dit ce qu’il avait en tête… »

Sean avait l’air bien confus… Il faut dire que les idées de son frère, elles n’étaient pas toujours franchement bonnes ! Tout ce que l’homme avait pu tirer de lui, Charlie avait parlé d’Elya, que ce dernier voulait rentrer chez lui et que ça le rendait triste. Qu’est-ce qu’il pouvait bien avoir derrière la tête…

« C’est bien la seule chose qu’ils savent faire… » grommela Honest en jetant un dernier regard en direction de l’hôpital, en répondre à ce que venait de dire Elya.

Ça oui, ils pensaient bien à faire tous les examens possibles. Mais oublier le reste ! Quelle idée d’affamer les patients ! C’était n’importe quoi ! Le docteur se donna quelques légères claques pour se calmer, avant de se retourner vers le jeune homme.

« Je vais plutôt vous inviter ailleurs, ce sera toujours meilleur… »

Parce que ce n’était jamais bon, la nourriture dans un hôpital, de toute façon ! Ensuite Sean était arrivé, avait annoncé que Charlie voulait voir Elya, et il haussa les épaules de la question de ce dernier. Non, il ne savait rien de rien, pourtant son frère n’était pas le plus discret quand il avait une idée derrière la tête, il fallait toujours qu’il la crie sur tous les toits. C’était bien la première fois qu’il ne disait pas un mot ! La dernière fois qu’il avait tenté de garder le silence, c’était à leur anniversaire, il avait voulu faire une fête surprise, mais il avait été si peu discret que Sean avait su à l’avance tout le programme, même en ne cherchant pas à le savoir… Euh… Comment ça, venir à bout de tous les deux ? Sean revint un peu à la réalité, lançant un regard inquiet en direction du jeune homme.

« Elya. » lâcha Honest d’un ton sec, comme s’il n’approuvait pas du tout ses paroles…

Les yeux de Sean papillonnèrent entre Elya et Honest. Il n’était pas sûr de quoi faire, alors… il n’allait rien faire ! Voilà, c’était une très bonne idée ! Ils partirent ensuite, non pas vers l’appartement des jumeaux, mais d’abord à un restaurant où Honest proposa à Elya de prendre ce qu’il veut. Un peu trop sympa tout ça… ! En attendant que le jeune homme se décide et mange ce qu’il a demandé à avoir, le docteur avait parlé un peu avec Sean. De tout, de rien… Ce n’était pas important de le reporter ici, mais on notera quand même ce passage :

« Tout va bien se passer pour vous ? » demanda Honest.
« Oh… Oui, bien sûr, ne vous inquiétez pas. »

Sean lui, lançait quelques regards un peu inquiets vers Elya… Tandis que l’homme à lunettes semblait avoir maîtrisé l’art de ne pas dévisager quelqu’un… ! Mais bref, si le jeune homme avait fini de manger et n’avait rien à dire, ils repartiraient… Quoique ! Pas tous ! Honest resta là et leur dit au revoir. Il affichait une mine peu convaincue… par quoi ? La réponse de Sean ? L’envie de les laisser partir sans les accompagner ? Les deux ? Quoiqu’il en soit, voilà qu’ils étaient séparés du psy, pour se rendre, cette fois-ci pour de vrai, dans l’appartement des jumeaux ! Sean ne fut pas particulièrement bavard durant le trajet, et ils arrivèrent à l’appartement sans encombre. Charlie attendait dans le salon, devant la télé, sur laquelle passaient des dessins animés. En voyant que son frère était de retour avec le jeune homme blond, Charlie se leva théâtralement, avant de prendre la parole :

« Elya, vous voilà ! » Oui, déjà, bonjour… « Vous avez l’air d’aller bien !
- Viens-en au fait, Charlie… » lança Sean, impatient de savoir ce qu’il avait à dire.
« Ah, oui ! Eh bien, quand le vilain monsieur m’a chassé hier…
- Le docteur Honest… » rectifia Sean.
« C’est pareil ! C’est la même personne ! Eh bien, j’ai eu une idée : on va vous accompagner pour vous aider à rentrer dans votre monde ! »

De… quoi ? Accompagner Elya… ? Sean ne savait même pas quoi dire. Il restait sans voix devant la proposition de Charlie. Comment est-ce qu’il en était venu à cette idée ? Et pourquoi il ne lui en avait même pas fait part ?!

Charlie attendait avec impatience la réponse d'Elya ! Il ne pouvait qu'être d'accord, hein ? Il n'y avait pas de raison qu'il refuse l'aide des jumeaux ! Le jeune homme répondit... Et Charlie déchanta. Comment ça, le médecin... ? Il parlait du docteur Honest ? Encore lui ? Elya préférait rencontrer son docteur plutôt que de rester avec les jumeaux...

« Ne vouliez-vous pas retourner rapidement dans votre monde ? » gémit Charlie.

Il avait presque les larmes aux yeux... Il se sentait trahi ! C'était fini, Elya ne l'aimait plus ! Mais qu'avait-il fait pour mériter ça ? Il s'était pourtant montré gentil avec le blond ! Est-ce qu'il lui reprochait de ne pas l'avoir aidé quand le très grand homme l'avait frappé... ? Ou ça datait peut-être d'avant ! Quand Charlie l'avait pris pour une femme ! Charlie avait tout gâché. Elya était peut-être un peu bizarre, surtout pendant la nuit qu'il a passée dans l'appartement, mais il était quand même sympa, le grand homme l'aimait beaucoup ! Et il ne put continuer de se lamenter mentalement bien longtemps... Sean était sorti de sa torpeur, et il ne semblait pas spécialement content.

« Charlie ! Qu'est-ce que c'est, cette histoire ? Tu te rends compte qu'on ne peut pas partir comme ça ?
- Mais ! Si ! » protesta Charlie. « Ça nous changerait un peu ! On fait toujours la même chose ici !
- On va laisser notre appartement comme ça ?
- Mais non ! Notre collègue l'avait déjà surveillé pour nous, on peut lui redemander ! »

Sean soupira. Mais il n'en avait pas encore fini, avec tous ses arguments !

« Nous ne sommes pas équipés pour nous promener dans la nature...
- Eh bien on aura qu'à acheter ou emprunter des trucs en route ! Et si on doit monter une tente, ça doit pouvoir se faire facilement, non ?
- Soit... Et pour les combats ?
- Tu as ton pistolet ! Et moi, je peux zapper des trucs ! Et puis, Elya sera avec nous, on devrait pas avoir de problèmes pour combattre des monstres !
- D'accord... Et si on se blesse ? Si on est malade ?
- Eh ben, si on se blesse, on aura des potions en stock ! Et si on est malade, euuuh... Eh bien, il doit bien y avoir des médecins dans les autres mondes ! On leur demandera conseil quand on les verra ! »

Sean soupira encore plus fort... Charlie trouvait un argument à tout. Il semblait vraiment déterminé à accompagner Elya jusqu'au bout des mondes pour le ramener chez lui... Il jeta un coup d'œil à son frère, qui était tout triste que le jeune les laisse pour aujourd'hui.

« Je vais y réfléchir. » finit par dire Sean avant qu'Elya ne sorte de l'appartement.

Même s'il n’était pas spécialement ravi de son idée...

Lorsque le jeune homme sortit de l’appartement des jumeaux, il put tomber nez-à-nez avec… Honest. Dans le couloir de l’immeuble, pile devant la porte qu’Elya venait de franchir… Le docteur cligna des yeux une fois, deux fois, l’air surpris, il ne semblait pas vraiment savoir quoi dire… mais finalement, il reprit son calme, et lança :

« Oh, vous étiez ici, monsieur Elya ? Quel heureux hasard, j’allais justement voir un patient dans cet immeuble ! »

Comme le hasard faisait bien les choses…

« Je viendrais vous voir à l’hôtel ce soir, pour discuter, vous êtes d’accord ? Si ça ne vous dérange pas, bien sûr. »

Et si Elya était d’accord… Eh bien, c’était réglé ! Au moins, il n’aurait plus besoin de s’inquiéter de savoir quand Honest allait passer pour le voir… Ça se fera vite, pas le temps de stresser ! Heureusement que l’homme à lunettes était là par un hasard le plus total… ! Il resta d’ailleurs planté là un instant, comme s’il n’était pas sûr de quoi faire ensuite… avant de marmonner :

« Ah oui, le patient ! Que je suis bête… Bonne journée Elya, à ce soir ! »

Et il disparut vers les étages supérieurs, montant les escaliers avec hésitation, comme s’il n’était pas sûr où il allait. D’accord… C’était bizarre… À présent, Elya avait le loisir de faire tout ce qu’il voulait ! Si la visite du soir du docteur ne le mettait pas dans tous ses états… Sinon, eh bien… il ne restait plus qu’à attendre !

* * *

Le soir venu, à une heure… assez tardive, disons-le ! Honest arriva à l’hôtel, se présenta à l’accueil puis rejoignit la chambre d’Elya. Il toqua à la porte, attendis un instant qu’il lui ouvre ou lui dise d’entrer, avant de le faire.

« Bonsoir monsieur Elya, vous allez bien, depuis tout à l’heure ? »

On remarquera au passage qu’il avait toujours sa blouse pas moderne du tout et son petit chapeau ridicule sur la tête…

« Au fait, j’ai remarqué que vous n’aviez pas l’air très à l’aise ce matin. Je vous ai peut-être repris avec un ton un peu froid. Est-ce je vous ai effrayé, monsieur Elya ? »

Ça n’avait pas été très professionnel de sa part… Effrayer ses patients, et puis quoi encore ?