Le fardeau

Vingt-deux n’avait même pas eu le temps de comprendre ce qu’il s’était passé ! Il avait d’un coup entendu une voix, puis, bam ! en sortant du portail, Joan était tombé par terre, bousculé par quelqu’un, qui lui aussi était tombé, tout pareil ! Ça ne plaisait pas tellement au Mage Noir de voir qu’on avait fait tomber Joan. Une pensée qui lui venait malgré lui ! L’inconnu roula sur le côté pour se dégager, se releva, et eu le temps de se plaindre pendant un court instant :

« C’est malin, maintenant je suis mouillé de partout ! C’est inadmissible ! »

Voilà, c’était tout ce qu’il avait réussi à dire, avant que Castiel ne l’attrape et ne le maintienne bien en place… Vingt-deux fut d’abord effrayé en voyant cet inconnu ; il était certain de la Deepground avait déjà envoyé quelqu’un pour le retrouver… mais, est-ce que c’était cette personne ? Ils avaient déjà réussi à le localiser ?! … En y réfléchissant bien, il s’en serait souvenu, d’un jeune homme habillé d’un imperméable rose, avec des cheveux blancs, à la Deepground. Impossible qu’il vienne de là-bas…

Le jeune individu… n’avait pas l’air franchement rassuré. Est-ce que Castiel allait le tuer… ? Peut-être pas finalement, voilà qu’il lui posait une question. Si l’inconnu avait d’abord essayé de se dégager… il avait rapidement abandonné, puisqu’il ne pouvait pas bouger du tout. Bon ! Il allait parler, alors…

« Eh, eh, doucement ! Je ne l’ai pas blessé, à ce que je sache ! » protesta-t-il tout d’abord… avant de finalement commencer ses explications. « Je voulais traverser le portail ! J’ai vu que vous alliez l’emprunter, alors je me suis dépêché de vous rejoindre. Si le portail se fermait après vous, j’aurais eu à attendre une éternité pour qu’il se rouvre ! »

Il pointa ensuite avec son pied, son sac, qui était étalé au sol, avec la moitié de son contenu qui gisait par terre.

« Regardez ce que vous avez fait ! Tout va être trempé ! »

Il ne l’aurait pas lâché si Castiel ne l’avait pas attrapé, d’abord ! C’était donc sa faute ! Eden s’approcha du sac et regarda à l’intérieur, à la recherche d’un indice qui pourrait prouver que ce jeune homme était louche… Ou qu’au contraire, il ne l’était pas ! Elle n’y trouva pas grand-chose, une gourde remplie d’eau, un peu de nourriture, des stylos, mais deux choses bien précises attirèrent plus particulièrement son attention. Il y avait plusieurs carnets, et elle en attrapa un, pour le montrer à l’inconnu.

« Qu’est-ce que c’est ?
- Mes carnets d’observation ! » On dirait qu’il faisait le plus grand effort du monde pour ne pas s’indigner d’avantage… quelqu’un mettait ses mains sur SES affaires ! C’était terrible ! « J’y note ce que je trouve dans les autres mondes, pour faire une encyclopédie. »

Sceptique, Eden ouvrit le carnet qu’elle avait en main, pour y jeter un œil. Bon… Déjà, l’écriture n’était pas lisible. Et pas seulement parce que c’était des minuscules pattes de mouche, mais parce que ça n’avait pas l’air d’être l’écriture d’Héra. La femme montra le carnet à Joan, lui demandant si lui arrivait à reconnaître des mots, mais il ne pourra, hélas, pas y comprendre plus… Cependant, il y avait bien de petits dessins d’observation d’animaux, de monstres et de lieux, accompagnés de ce qui ressemblait à des annotations, ses paroles ne pouvait donc n’être que vrai. Pour ce qui était du deuxième objet mystérieux… C’était un talkie-walkie.

« C’est pour communiquer avec mes potes quand on se sépare dans une ville sur un autre monde. » expliqua l’inconnu. « Il n’y a pas réseau pour les portables. »

Eden n’avait pas la moindre idée de ce qu’était un portable, mais Arthur confirma ; effectivement, il n’y avait pas de réseau dans les autres mondes… ! Eden soupira, et regarda Castiel.

« Ça devrait être bon, non ? » demanda-t-elle, remettant les affaires de l’inconnu dans son sac.

Si l’homme ailé jugeait que, oui, il n’était pas louche, il pourrait le relâcher ! L’inconnu en profita également pour se présenter ; il s’appelait Travis.

La question, à présent… c’était de savoir où ils allaient aller ! Les membres du groupe originaires de Dol pourraient rapidement reconnaître les lieux, surtout que l’environnement était assez plat, on pouvait apercevoir Deling City au loin, surplombé par des nuages sombres. Ça ne donnait pas trop envie d’y aller… Est-ce qu’Anadriel était sur ce monde ? Eden était tournée vers Castiel, attendant qu’il dise quelque chose, mais ce fut Vingt-deux qui prit d’abord la parole, et, malgré lui encore une fois, il lança :

« Winhill ! »

Silence…

« Euh, je sais pas, ça m’est venu tout seul… c’est une ville, je pense… ? »

C’était quoi, ces souvenirs enfouis qui ressortaient d’un coup… C’était très bien qu’il y ait des trucs qui lui revenaient comme ça, c’était même une très bonne nouvelle pour le futur retour de tous ses souvenirs ! Mais… ils ne pouvaient pas prévenir avant de revenir aussi violemment, plutôt ? Si c’était pour qu’il lâche des trucs qu’il ne comprenait pas, c’était bien la peine !

Mais qu’est-ce qu’il racontait, celui-là ? Comment ça, un code ? Travis n’avait jamais écrit quoi que ce soit en code dans ses carnets… Il était bien confus. Des lapins acrimonieux…

« Il n’y a pas de code… » dit-il alors. « Je sais que j’écris mal, mais c’est exagéré ! »

En plus d’être confus, il en était très indigné ! Comme s’il avait le temps de s’amuser à écrire toutes ses observations en code ! S’il faisait ça, il oublierait ensuite ce que ça voulait dire, et n’arriverait même plus à les décrypter. Ça serait une bien belle perte de temps ! Ce n’était donc pas la peine de faire preuve d’autant de prudence, comme si ça l’embêtait qu’on lise ses carnets…

Sinon, non, Vingt-deux n’avait vraiment aucune idée de pourquoi il connaissait le nom de Winhill ! Joan supposa alors que c’était à cause de la Deepground. Le Mage Noir hocha la tête, il n’en était pas sûr mais… c’était peut-être une possibilité ? Peut-être qu’ils avaient dû parler d’aller là-bas une fois, et ça s’était imprimé dans sa tête, sans qu’il ne souvienne exactement du jour ou du contexte de cette discussion. Oui, ça devait être ça ! Sinon, quelle autre explication il pourrait bien y avoir ? Le jeune homme proposa ensuite de plutôt partir vers Deling City, où ils étaient déjà allés plusieurs fois. C’est vrai ; peut-être que Vingt-deux allait pouvoir plus facilement retrouver des fragments de mémoire là-bas !

« D’accord ! » dit-il alors. « Allons là-bas ! Euh… Est-ce que c’est loin… ? »

Ils avaient déjà marché une trotte pour rejoindre le portail, alors s’ils devaient à nouveau marcher des kilomètres, il n’allait plus sentir ses jambes ! Enfin, heureusement, on pouvait voir Deling City, comme le terrain était plat et ! C’était quand même assez loin... et puis en plus, il y avait des nuages tout autour de la ville ! C’en était presque inquiétant, si on ne savait pas qu’il faisait presque toujours nuageux au-dessus de la capitale…

Travis, à côté, fronçait les sourcils.

« La Deepground ? » dit-il.

Ce n’était pas très facile de deviner ce qu’il exprimait sur son visage… Est-ce qu’il était inquiet ? Agacé ? Énervé… ? Impossible à dire ! En tout cas, ce n’était pas une émotion positive qu’il manifestait, à cet instant.

« J’aurais voulu me rendre à Winhill, je n’y ai encore jamais mis les pieds… » marmonna-t-il, pour lui-même il semblait, mais tout le monde pouvait quand même l’entendre… « Mais je ne veux pas les voir, ces gugusses ! Pourquoi traînent-ils toujours dans mes pattes ?! »

Bon, visiblement, il croisait souvent la Deepground et ne pouvait plus la voir en peinture… Un peu comme Joan et Vingt-deux, au final… !

Arthur lui… semblait hésitant. Il s’était tourné vers les montagnes derrière lesquelles se trouvait Winhill, et il était pensif, et un peu inquiet. Finalement, après une énième hésitation, il suivit d’un pas lent le groupe, qui avait déjà commencé à partir vers Deling City, se tournant néanmoins plusieurs fois encore dans la direction de Winhill… Quant à Travis, lui n’avait eu aucune hésitation ; il partait avec eux aussi, parce que :

« C’est une grande ville, là-bas ? Très bien ! Je pourrais trouver une chambre d’hôtel pour prendre une douche ! »

Évidemment… ! Il avait fini par se rapprocher de Joan (sûrement au plus grand malheur de Castiel), il semblait involontairement au début… mais il n’hésita pas à s’adresser à lui sans hésitation ! C’était sûrement prémédité, alors… !

« Tu vas bien ? Sûr ? Cette égratignure avait l’air de poser quelques problèmes… Je peux te soigner, si tu veux. Je peux vraiment te soigner… oh non ça ne va pas me faire gaspiller ma magie ! C’est à ça que ça sert ! Alors ? Je te soigne ? »

Ah bon, il était juste très insistant sur l’idée de le soigner… D’accord…