Murmures nocturnes

Arthur regarda à peine Joan lorsqu'il lui parla de la créature qui était apparue dans le camp plus tôt, mais il ne l'écoutait pas moins. Le jeune homme était inquiet à l'idée que le monstre fasse son retour pour s'attaquer à eux... Mais Arthur le rassura :

« Je l'ai vue partir en direction de la mer quand j'étais encore là-bas... À mon avis, elle ne devrait pas revenir. »

Sauf si elle ne savait pas nager et faisait du coup demi-tour et revenait vers eux ! Mais, non, ça n'allait pas arriver, pas la peine de dire ça à Joan. Cette grosse bestiole ne reviendra pas de sitôt... Ils étaient enfin sortis de la forêt, mais ils n'arrivaient pas encore à destination... Enfin, quelle était leur destination avant le Village Glaçon, de toute façon ?

« C'est là, la prochaine étape où on doit se reposer ? » protesta Conan. « C'est moche, ici !
- Non, il faut encore continuer un peu, et on y sera. » répondit Christopher, qui s'attristait qu'on dise de ce lieu qu'il était moche...

Un lieu dans son monde ! Moche !
Joan demanda à Arthur ou Irga s'ils pouvaient le porter sur leur dos, avant de se raviser et dire qu'il plaisantait... Arthur eut à peine le temps de lever un sourcil en l'entendant, que le jeune homme enchaîna sur un commentaire à propos d'un coffre à trésors qui n'était vraiment pas très bien caché...

« Quand je suis arrivée sur ce monde, j'ai posé la même question. » informa d'un seul coup l'un des deux PNJs sans nom qui accompagnaient le groupe, en l'occurrence ici, la femme ! « On m'a raconté que certaines personnes pratiquent un métier qui s'appelle "coffrier", et qui consiste à cacher des coffres au trésor de façon plus ou moins visible pour que les aventuriers passant dans le coin puissent trouver des objets qui pourraient les intéresser ! Tout ça pour les encourager à visiter les lieux plus en profondeur et découvrir des choses qu'ils n'auraient jamais vues en traversant juste la zone ! »

Quelle histoire ! Il ne restait plus qu'à savoir si ces "coffriers" existaient réellement, ou si on lui avait juste raconté une histoire piège à touristes, et qu'elle s'était fait avoir... Arthur en profita pour s'approcher de Joan et lui proposer... de vraiment le porter sur son dos.

« Pas de "mais" ou quoi que ce soit, agrippe-toi sans faire histoire et je te poserais au prochain arrêt ! »

Pourquoi est-ce qu'il proposait ça d'un coup ? Lui qui n'était pas vraiment dans le contact avec les gens d'habitude... Ils continuèrent leur chemin, passant à côté de drôles de coquillages géants. La femme était maintenant lancée, elle continua à parler...

« Oh, attendez ! On n'arriverait pas à la Cité des Anciens ? J'ai une brochure touristique qui en parle ! » Christopher lui lança un regard incrédule tandis qu'elle fouillait dans son sac à la recherche de la dite brochure. Ils proposaient des visites d'Ajit, maintenant ? « Ah voilà ! "Venez visitez Ajit, ou plus connue sous le nom de Cité des Anciens ! Voyagez en plein dépaysement avec ces anciens coquillages qui servaient autrefois de maison, vous aurez l'impression de vivre sous le niveau de la mer ! Profitez du calme et de la tranquillité des lieux, aucun voisin bruyant ne viendra vous déranger ! L'excursion est conseillée pour les personnes sachant se défendre, puisque des monstres rôdent hors de la cité." !
- Ils ont réellement fait une brochure... » répondit Christopher, dépité.
« Oui ! On m'a aussi raconté comme quoi on rencontrerait des fantômes ou on entendrait la voix des défunts... Je voulais y aller, c'est pour ça que j'avais pris ce vaisseau en direction du Village Glaçon. »

Pas le temps de papoter plus longtemps, ils étaient arrivés à Ajit. Le calme régnait, pas un monstre à l'horizon, et le jour commençait à bien décliner.

« Il va falloir trouver un endroit où passer la nuit. » dit Christopher.
« Ça tombe bien ! J'ai une carte sur ma brochure qui indique une maison coquillage où se trouvent des lits !
- ... Et sinon, elle pourrait aussi nous montrer le chemin vers une cuisine toute équipée avec un frigo plein, cette brochure ? »

Tant qu'à faire, ce serait bien pratique !
Ils trouvèrent rapidement le coquillage en question ; à l'intérieur, une échelle permettait de monter à l'étage, où se trouvaient effectivement quelques lits. Pas beaucoup, seulement trois, et aussi un matelas un peu cassé qui traînait sur le sol poussiéreux... D'ailleurs, aucun matelas n'était en bon état, sans parler des lits, l'un était bancal et avait perdu deux pieds ! Bien sûr, pas deux à la même extrémité, sinon ce n'était pas drôle...

« Il va falloir qu'on se partage les lits ! » commenta Conan. « Qui veut dormir avec moi ?? »

Christopher soupira devant l'enthousiasme trop grand de Conan. Arthur, qui avait posé Joan à l'étage du bas si ce dernier avait accepté de se laisser porter et l'avait laissé monter l'échelle devant lui, déclina l'offre d'un lit.

« Je pense que je vais rester près de l'échelle. » dit-il. « Pour surveiller que personne n'entre pendant que tout le monde dort, on ne sait jamais.
- Je peux prendre un tour de garde, si tu veux ! » lança la femme, sortant un pistolet de son sac. « J'ai de quoi me défendre ! »

Arthur déclina son aide, prétextant qu'il n'avait pas besoin de dormir. Tous purent choisir le lit qu'ils voulaient et avec qui ils dormiraient. Du coup quatre lits divisé par six personnes... Certains pourront avoir un lit à eux tout seul ! Les chanceux ! Qui n'a jamais rêvé d'avoir un lit bancal avec des couvertures miteuses pour lui tout seul... ?

« Allez, demain, on arrivera enfin au Village Glaçon. » commenta Christopher.

Bientôt l'étape finale ! Il ne restait plus qu'à s'endormir rapidement, pour pouvoir se réveiller tôt le matin et partir de bonne heure, pour rejoindre le plus rapidement le Village Glaçon et être enfin en sécurité !



Des crissements stridents se firent entendre au milieu de la nuit. Impossible de rester endormis avec ce bruit inquiétant... Ils semblaient lointains d'abord, puis se turent. Ils reprirent, plus proches, avant de s'arrêter à nouveau. Puis, ils revinrent, plus proches que jamais. Il semblait que des créatures, à l'extérieur du lieu où s'abritait le groupe, griffaient la surface du coquillage, provoquant les bruits inquiétants qui avaient réveillé tout le monde. Contrairement aux deux autres fois, ils ne s'arrêtaient pas. Christopher semblait essayer d'analyser le bruit, comprendre ce qui le provoquait. Pour les premiers, il aurait d'abord dit que ça aurait été le vent. Mais ça n'y ressemblait pas du tout, à présent. L'homme sans nom s'était caché sous une des couvertures, qu'il avait bien rabattue sur ses oreilles, comme s'il espérait faire taire le bruit de cette manière. À côté, Conan s'était levé, les jambes un peu tremblante, sa hache à la main, mais l'air toutefois déterminé.

« Okay, alors... Je sais que j'ai pas été d'une grande aide depuis maintenant ! Mais là, je vais sortir, et je vais tuer ces bestioles qui nous empêchent de dormir ! Comme ça... Ben... On pourra continuer de dormir !
- Eh, attends ! » lança l'homme sans nom, d'une voix paniquée qui montait un peu dans les aigus à la fin de ses phrases. « Et si c'était le monstre du camp qui était revenu pour nous bouffer ?!
- Mais Arthur a dit qu'il était parti vers la mer. » protesta Conan. « Il serait revenu, du coup ? »

Ils se tournèrent tous vers l'homme blond. Comme s'il était un expert en monstre géant avec plein d'yeux...

« Il aurait détruit le coquillage, pas seulement gratté. » finit par répondre Arthur après une hésitation.
« Ah, vous voyez ! Allez, j'y vais !
- Mais je ne sais pas si c'est une bonne idée de sortir, même si ce n'est pas... »

Trop tard ; Conan avait littéralement sauté de l'étage au rez-de-chaussée et avait disparu dehors. Au bout de quelques instants, les crissements contre le coquillage cessèrent. Le silence revint ; plusieurs minutes s'écoulèrent, mais Conan ne revint pas. Arthur n'avait pas l'air tranquille...

« Qu'est-ce qu'il fait ? » marmonna-t-il pour lui-même, avant de lancer aux autres : « Je vais aller voir où il a bien pu aller, quelqu'un garde l'entrée à ma place ?
- Pas de problème ! » lui répondit la femme.

Arthur descendit l'échelle, plus calmement que Conan, puis disparut à l'extérieur à son tour. On l'entendit appeler le jeune homme au crâne à demi rasé pendant un moment, jusqu'à ce que sa voix devienne imperceptible. Le silence s'installa, et le temps passa. Il semblait qu'un léger vent s'était levé, et il transportait une petite musique dans le coquillage. Une voix dont on ne pouvait pas distinguer les mots, mais elle ne ressemblait ni à celle de Conan, ni à celle d'Arthur. Les voix semblaient se rapprocher, elles se faisaient plus distinctes. Personne ne réagissait à ces voix, tous attendaient patiemment le retour des deux hommes. Pourtant, si Joan tendait l'oreille, il pourrait entendre ce que disaient réellement ces voix ; elles l'appelaient. Elles se rapprochaient encore, et le jeune homme pouvait maintenant distinctement les reconnaître. Il y en avait trois, trois voix familières de trois personnes que Joan avait hâte de retrouver.

« Joan ! Joan ? Joan... »

Christopher regardait en direction de Joan, et il avait l'impression qu'il délirait, ou il ne savait pas quoi ! L'homme à lunettes s'était empressé de lui répondre :

« On est pas dans un film, Joan. De plus, il n'y a pas censé y avoir de monstres ici, d'après ce que j'en ai entendu.
- C'est ce que disait la brochure aussi. » approuva la femme qui surveillait l'entrée de l'étage. « Mais alors... Qu'est-ce que c'était, ces bruits, s'il n'y a pas de monstres... ? »

Personne ne put trouver d'explication à cette question... Même répondre "le vent", ce n'était pas plausible ! Ça n'avait pas de griffes, du vent... Puis, Joan prétendit entendre des voix, et demanda aux autres s'ils les entendaient aussi. Christopher voulut protester encore une fois, mais la femme le fit taire. Ils attendirent en silence... Et les voix continuaient à parler, indistinctes.

« J'entends quelque chose, oui... » signala la femme. « Mais je n'arrive vraiment pas à comprendre ce que ça dit. »

Elle se plongea dans sa brochure, cherchant désespérément une explication à ce phénomène qui serait écrite dessus pour qu'ils ne se mettent pas à paniquer, tandis que l'homme sans nom... Eh bien, lui, il paniquait bien...

« C'est les fantômes dont parlaient la brochure ! Ils veulent qu'on les rejoigne dans la mort !!
- Mais non, soyons réaliste ! » lui lança Christopher, l'air agacé. « Ça doit être des personnes qui nous font une farce ! Et si tu penses entendre ton prénom, c'est faux. » continua-t-il en s'adressant à Joan. « Tu paniques et ton cerveau interprète ces bruits comme étant ton prénom. »

Ça ne rassurait pas des masses l'homme, qui renchérit :

« Ouais, okay, mais pour les deux autres qui sont sortis et qui reviennent pas, vous avez une explication ?
- Ils veulent nous faire une blague eux aussi, ce sont sûrement eux qui font ces voix... » lui répondit Christopher en haussant les épaules.
« Ça n'a pas l'air d'être de leur genre... » protesta la femme. « Quoique, celui avec les cheveux noirs, comment il s'appelle déjà ? Conan, ce serait bien plus son genre !
- Eh ! J'ai entendu !! »

En parlant du loup, le voilà qui était de retour ! Conan était remonté à l'étage ; il n'avait aucune blessure apparente, et il semblait aller bien physiquement ! Comme d'habitude, quoi... Les autres le regardaient, attendant impatiemment de découvrir ce qu'il avait vu à l'extérieur.

« Y a rien, dehors ! » lança l'homme au crâne à moitié rasé. « J'ai regardé partout, y avait aucune bestiole ! Même sur le coquille, y a pas de traces de griffes ou quoi. C'est bizarre... Euh, il est où le grand blond ?
- Il est sorti te chercher quand tu es sorti mais que tu revenais pas. » lui apprit la femme. « Tu l'as pas croisé dehors ?
- Non... »

Il avait l'air un peu perturbé, quand même. Il continua :

« C'est vraiment bizarre, dehors ! C'est un peu brumeux et tout. On dirait chez moi, quand y a la Brume...
- C'est un peu le principe de la brume, d'être brumeux... » fit remarquer Christopher...
« Non mais... » Il attrapa l'un des bras de Joan, comme ça, sans prévenir ! « Venez voir dehors ! »

Et il entraîna le pauvre Joan dehors ! Comment avait-il fait pour qu’aucun des deux ne tombent de l’échelle pour descendre au rez-de-chaussée ? Eh bien… c’était une énigme, aussi mystérieuse que les évènements qui avaient lieu ici ! Une fois à l’extérieur, le jeune homme pouvait effectivement constater la brume épaisse qui était présente. Oui, ça rappelait vraiment Héra…

« Elle était même pas là au début quand j’ai commencé à fouiller ! » expliqua Conan. « Puis elle a commencé à monter du sol petit à petit, et au bout d’un moment, j’ai plus rien vu ensuite ! J’ai eu du mal à retrouver le coquillage, c’est pour ça que j’ai mis du temps à revenir ! »

Tout s’expliquait ! Ça devait être la même chose pour Arthur, qui ne revenait pas non plus… Et c’était pour ça que Conan ne l’avait pas croisé, non plus ! Il s’était maintenant tut, et frémissait un peu. C’est vrai qu’en plus de la brume, il faisait un peu froid…

«  Eh... T'as entendu des voix, toi aussi ? » demanda-t-il d'un seul coup. « J'ai cru en entendre une qui m'appelait... Ça avait l'air d'être celle de ma sœur. » Il soupira, resta un instant silencieux, avant de continuer : « On s'aimait pas trop, et puis un jour, elle a disparu je sais pas où, et je l'ai plus revue depuis. J'étais parti à sa recherche, mais impossible de la retrouver... J'imagine que c'est ma faute si elle est partie et qu'elle veut plus me voir. Ou il lui est arrivé quelque chose... »

Qu'est-ce qui lui avait poussé à se confier comme ça ? Le mystère des lieux ? Conan soupira encore une fois, avant de continuer :

« Je me demande si cet endroit joue pas avec nous et nous envoie des voix qu'on voudrait entendre ! Mais ça doit être vraiment du bluff, on va pas se faire avoir par ce truc si nul ! Allez Joan, on retourne dans le coquillage, ça vaut mieux, comme ça on se perdra pas ! Et Arthur, euh... Bah il finira bien par nous retrouver, moi j'y suis bien arrivé ! »

Et l'homme au crâne à moitié rasé n'était pas bien malin, alors s'il avait réussi à le faire, Arthur réussirait très certainement ! Mais il y avait un problème... En se retournant, les deux hommes pouvaient à présent constater que le coquillage n'était plus en vue... C'était comme s'il avait disparu, alors qu'ils ne le regardaient pas.

« Euh... Attends, on s'était pas éloigné, si ? On était restés juste devant pourtant, j'en suis sûr ! » Conan tendit un bras pour tenter de toucher le coquillage, peut-être que la brume s'était juste épaissie... Mais, non. Il n'y avait plus rien, derrière eux. « Mais qu'est-ce qui se passe ici ?! »

Il se rapprocha de Joan pour ne pas le perdre. Il n'eut pas le temps de rouvrir sa bouche, qu'une forme sombre s'approcha d'eux. N'écoutant que son courage, Conan chercha à abattre sa grande hache sur cette chose menaçante ! Hache qu'il se fit prendre des mains, avant de se faire frapper par son manche... Par un Arthur qui avait manqué de finir par lui trancher une jambe...

« Mais dis, ça va pas toi ?! Tu pourrais faire attention à ce que tu fais ! » protesta Conan.
« Je te signale que tu étais prêt à faire la même chose sans savoir qui j'étais... » lui répondit Arthur.
« Ouais ben... C'est pas pareil, hein ! Voilà ! »

L'homme blond soupira, avant de lui rendre sa hache.

« Pourquoi vous n'êtes pas restés à l'intérieur ? » demanda ensuite Arthur, regardant en direction de Joan. « J'ai réussi à retrouver le coquillage, mais il n'y avait plus personne dedans. »

Le coquillage avait miraculeusement disparu derrière eux, et ils n'avaient même pas pu voir les autres qui étaient sortis à leur tour ?

« Tu te serais pas juste trompé de coquillage ? » s'enquit Conan, l'air peu convaincu.
« Un autre coquillage avec toutes vos affaires dedans ? »

Non, ça c'était bien bizarre... Mais Conan avait LA solution à ce problème !

« Il suffit de crier pour les appeler, ils crieront en retour pour nous répondre ! EEEEEH VOUS ÊTES LÀÀÀ ?? »

De toute façon, il n'y avait pas l'air d'avoir de bestioles qui leur voudraient du mal dans cet endroit, ils pouvaient crier autant qu'ils le voulaient, non ? Mais les voix qui leur répondirent ne furent pas celles des autres... Joan pouvait à nouveau entendre les voix familières, qui se demandaient si le jeune homme était là ou non, et appelaient à l'aide. Apparemment, s'ils étaient réels, ils étaient coincés quelque part et n'arrivaient pas à en sortir... Soudain, Conan se figea, et montra du doigt une zone dans la brume. On pouvait voir des formes, là-bas... Des formes qui correspondaient à ces voix familières.

« Eh ! Attendez, j'arrive !! » lança Conan.

Puis, il détala en direction des formes, et disparut dans la brume. C'était pas lui qui avait dit quelques minutes plus tôt qu'il ne se ferait pas avoir par les trucs qui se passaient ici... ? Arthur le regarda partir, les sourcils froncés, puis soupira, avant de demander à Joan :

« Qu'est-ce qu'on fait ? On essaie de le suivre pour l'empêcher de se faire mal, ou de casser quelque chose ? »

Il avait parlé à Joan sans le regarder, il fixait les ombres familières, l'air perplexe.

« C'est vraiment bizarre ça... On dirait... Qu'est-ce qu'ils font là... ? » murmura-t-il, surtout pour lui-même.

Les ombres qu'ils pouvaient apercevoir à travers la brume ne bougeaient pas. Elles ne semblaient pas vouloir s'approcher ni s'éloigner, mais nul doute qu'une fois que Joan et Arthur iront dans leur direction, elles disparaîtront... Si elles étaient vraiment des illusions. Joan répondait à Arthur, se demandant bien ce que Conan pouvait bien casser dans le coin. C'est vrai que, pour un endroit abandonné, ce n'était pas si grave de casser quelque chose...

« Je ne sais pas, un vase qui contiendrait une créature maléfique qui nous maudira tous une fois libérée ? » lança l'homme blond en réponse.

Ah bah, bravo ! Merci beaucoup, Arthur, c'était une réponse très rassurante ! Joan allait se sentir bien à l'aise, à présent !

« Même si ça m'étonnerait qu'il y ait quelque chose de ce genre ici. » continua Arthur. « Il doit y avoir déjà plusieurs touristes qui sont passés par ici, s'il y avait bien une créature, elle devrait être sortie et avoir maudit d'autres personnes depuis longtemps ! »

S'il tentait de rattraper ce qu'il venait de dire juste avant, pas sûr que ça marche... Juste après, Joan raconta quelque chose de similaire qui lui était arrivé. Alors comme ça, il existait des personnes qui avaient ce genre de pouvoirs ?

« Est-ce que c'était dans une situation similaire ? » s'enquit l'homme. « Dans un endroit isolé sans monstres, avec de la brume ? Comment vous vous en êtes sortis ? »

S'il s'agissait exactement de la même personne qui leur faisait avoir des hallucinations, ils pouvaient sûrement faire la même chose qu'avaient faite Joan et son ami dans le passé, non ? Sauf s'ils n'avaient rien fait de particulier, là, ce serait bien plus embêtant...

« Bon, allons retrouver Conan. » dit Arthur. « Reste près de moi, évite de trop t'éloigner, sinon on va se retrouver séparés une fois de plus... »

S'ils devaient passer le restant de la nuit à se perdre et se retrouver, ils n'allaient jamais réussir à accomplir quoi que ce soit !

Comme prévu, lorsqu'ils s'avancèrent en direction des ombres, celles-ci semblèrent avancer à la même vitesse dans la direction opposée, telles un mirage, avant de disparaître quand une structure émergea de la brume. Toujours des coquillages, mais cette fois-ci, un long tunnel s'enfonçait on ne savait où, mais il semblait que Conan soit parti dans cette direction. Arthur inspecta le tunnel, l'air méfiant. Mais tout était calme, et même les voix familières s'étaient tues... Il invita Joan à se rapprocher.

« Reste juste à côté de moi. » lui dit-il. « Si jamais quelque chose vient de devant ou de derrière, tu seras plus en sécurité. »

Parce que si Joan restait derrière lui, que lui avançait, ne regardant pas forcément en arrière, que quelque chose arrive soudainement pour s'emparer du jeune homme et qu'il ne puisse pas réagir... Non, c'était hors de question que ça arrive ! Joan allait rester juste à côté de lui, qu'il le veuille ou non ! Et il avait bien fait ; bientôt, alors qu'ils avaient avancé dans ce couloir, des bruits se firent entendre derrière eux. Arthur se retourna et...

« Ne paniquez pas, c'est juste moi ! » Ah, la femme qui les accompagnait, munie de sa précieuse brochure touristique. « J'ai voulu attendre juste devant le coquillage que vous reveniez, mais j'avais un peu froid, alors je suis rentrée à nouveau, mais... Il n'y avait plus personne à l'intérieur ! » Décidément, cette histoire devenait de plus en plus bizarre... « Où est passé Conan ?
- Parti par-là. » lui informa Arthur, en pointant le bout du couloir. « On va le chercher.
- Ah... Je crois qu'au bout, y a une maison coquillage géniale que je voulais voir absolument, il y a un détail amusant à l'intérieur ! Normalement, c'est un cul de sac, du coup, Conan n'a pas pu aller bien loin... »

Ils continuèrent à trois du coup, et Joan n'avait plus besoin de rester trop près d'Arthur, la femme sans nom couvrait leurs arrières... ! Au bout du couloir, ils purent effectivement voir une maison coquillage, plus pointue que les autres, qui reposait derrière un point d'eau. Toujours aucune trace de Conan, peut-être était-il entré à l'intérieur ? On entendait toujours rien, c'était étonnant de penser qu'il pouvait être si discret... Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Ils entrèrent dans la maison, et purent voir au centre de celle-ci, un trou, avec des algues et un escalier qui descendait. La femme semblait perplexe...

« C'est bizarre... La brochure ne parle pas du tout d'escalier à cet endroit, elle dit qu'il y a un poisson lumineux... » expliqua-t-elle, l'air déçu.

Il n'y avait peut-être pas de poisson lumineux, mais ça expliquait pourquoi Conan était si silencieux : il devait être descendu ! Par contre, impossible de savoir où menaient ces escaliers, les algues bouchaient la vue...

« J'y vais en premier, voir s'il n'y a pas de danger. » annonça Arthur. « Attendez que je vous dise de venir. »

Il s'engagea sur les escaliers, et descendit prudemment. Il disparut un instant derrière les algues, puis réapparut.

« Pas de monstres à l'horizon, ou de vase brisé qui contiendrait une créature maudite ! » Il n'avait pas fini avec cette histoire... « Venez, mais faites attention où vous mettez les pieds, il n'y a pas de rampe sur cet escalier... »

Ils purent donc descendre, ce long escalier translucide, qui les mena dans une construction bien plus moderne, une espèce de château construit au-dessus d'un point d'eau. Plus ils s'approchaient de la fin de cette descente interminable, plus ils pouvaient entendre comme des lamentations... Elles résonnaient à travers les lieux, impossible de savoir si c'était encore les voix illusoires, ou si elles étaient réelles. Une fois arrivés tout en bas, ils purent reconnaître des pleurs, mais pas ceux des proches. En avançant un peu, ils purent constater que les autres étaient là ; Conan, Christopher, même l'homme terrifié d'avant, étaient agenouillés, et étaient dévastés. Est-ce qu'Irga était là, aussi ? Possible, mais ce n'était pas le plus important de la scène. En effet, juste devant eux, dans la petite étendue d'eau au-dessus de laquelle le petit château était construit, ils pouvaient voir plusieurs choses flotter à la surface. Plusieurs personnes même, qui ne bougeaient pas, qui étaient sans vie. Et c'était toujours ces personnes familières, les mêmes à l'origine des voix entendues plusieurs fois ici déjà, voix qui résonnèrent une dernière fois, pour annoncer une seule phrase :

« Tu es arrivé trop tard, Joan. »

L’homme sans nom s’était tourné vers Joan après que celui-ci fit sa remarque, l’air encore plus horrifié par ce qu’il venait de dire que par la découverte macabre qui se faisait voir devant leurs yeux…

« Oh oui, bien sûr que tu es insensible ! » lui lança-t-il alors. « Je sais quand même ce que je vois et ce que j’entends, je serais quand même pas devenu fou du jour au lendemain !
- Non, non, le jeune marque un point. » intervint la femme. « On dirait qu’on entend et qu’on voit tous quelque chose de différent, si nos proches étaient vraiment là, on devrait voir et entendre tous la même chose, non ? »

L’homme ne paraissait toujours pas convaincu…

« Vous avez juste du mal à regarder la vérité en face, c’est tout. » leur lança-t-il.

Si lui n’était pas convaincu, il était le seul ! Christopher et Conan avaient l’air de s’être calmés, enfin, le premier regardait la scène dans l’eau en fronçant les sourcils, et le deuxième s’était un peu détourné et regardait en direction de Joan. Les voix avaient l’air de s’être arrêtées, la vision des corps non, mais à présent qu’ils avaient réalisé que ce n’était pas réel, ils pouvaient repartir tranquillement et ne plus s’en occuper, non ? Ce n’était pas comme si ça pouvait leur faire du mal, non ?

« Plutôt perspicace, hein ? Mais maintenant, tu penses vraiment que c’est une bonne idée de rester avec ceux-là ? Regarde-les. »

Ah, une voix encore… Impossible de déterminer à qui elle appartenait, par contre. Et Joan semblait être à nouveau le seul qui l’entendait… Elle avait marqué une pause pour laisser le temps au jeune homme de faire ce qu’elle venait de dire, avant de reprendre :

« Est-ce qu’ils ont été de bonne compagnie ? Ça ne fait pas longtemps que tu les connais, mais est-ce que tu te souviens de bons moments passés avec eux ? »

Arthur fronça les sourcils, lui entendait une voix aussi, mais elle ne lui disait pas la même chose… Soudain, Conan lança un drôle de regard en direction de Joan, et il demanda :

« Eh… C’est vrai ce que tu as dit, juste avant de venir ici ? Tu m’aurais laissé là si t’aurais été tout seul… ? »

Pourtant il n’était pas avec eux avant, il n’aurait pas dû l’entendre ! Est-ce qu’il l’a vraiment entendu, finalement… ? Ce fut au tour d’Arthur de se tourner vers le jeune homme, décidément, il recevait beaucoup d’attention, là !

« Qu’est-ce que tu as fait exactement, pour trouver la femme et la combattre la dernière fois ? Ce serait bien qu’on la trouve maintenant, avant que quelque chose de terrible n’arrive… »

Il paraissait assez inquiet de cette situation, et pendant ce temps, Conan attendait aussi des réponses de Joan…

Conan n'avait pas l'air d'être entièrement convaincu par ce que lui répondait Joan, il fronçait les sourcils et semblait continuer d'écouter, les voix devaient être encore en train de lui parler... Mais il finit par hausser les épaules.

« C'est vrai, pourquoi je devrais croire les voix de gens que je connais même pas, et qui sont trop lâches pour se montrer devant nous ! Je te crois, Joan ! »

Ce changement soudain d'humeur, il était passé de tout tristounet à tout content... À côté de ça, la femme essayait de convaincre, avec difficulté, l'homme que tout ce qu'il voyait et entendait n'était pas réel... Tandis que Joan n'apportait pas vraiment de réponse satisfaisante pour Arthur sur comment battre cette femme, et en voyant que le jeune homme tenait absolument à partir le plus vite possible, il y avait deux solutions : soit, il avait vraiment, mais alors vraiment trop peur de se confronter à cette femme, soit il racontait n'importe quoi...

« D'accord... » se contenta de répondre le grand blond. « Sortons d'ici, alors. » Alors qu'il se dirigeait vers les escaliers, il se mit à réfléchir et marmonna : « Il doit quand même y avoir d'autres moyens de la vaincre... par exemple, elle ne devrait pas résister longtemps si je la mangeais...
- La manger... ? »

Le ton perplexe de Christopher le fit remarquer qu'il avait prononcé ça plus haut qu'il l'avait voulu... Et maintenant tout le monde le regardait...

« J'ai dit "manger" ? » demanda-t-il alors.
« Oui...
- Ce... C'était pas ça que je voulais dire, à la base...
- Et tu voulais dire quoi ?
- Eh bien... J'ai oublié. »

Arthur, l'air gêné, lâcha un petit rire nerveux... Tandis que Conan trouvait tout ça beaucoup trop amusant, il riait aux larmes ! ... Il était définitivement bizarre...

« Eh ben, si tu peux manger une personne comme ça, c'est que t'as un grand appétit, et un grand estomac ! » lança l'homme aux cheveux noirs.
« Oui, oui, un grand estomac.... On peut y aller maintenant ? »

Autant si Joan montrait son mal-être là, personne ne le remarquera puisqu'Arthur avait monopolisé toute l'attention... Ils finirent enfin par remonter les escaliers et prendre le chemin du retour. La brume s'était bien engouffrée depuis avant dans le tunnel qui menait à la sortie, et, mis à part les bruits de pas du groupe, tout était calme... Enfin, ça c'était jusqu'à ce que Conan se mette à crier :

« Non, je vais pas vous croire ! Je me ferais plus avoir ! Comme si que Joan, c'était le type qui avait tué le gamin ! Regardez-le un peu, il ferait pas de mal à une mouche ! Enfin, si vous avez des yeux... C'est dur de voir, sans yeux ! »

Quelle discrétion et subtilité dans ses paroles... Arthur avait froncé les sourcils et lancé un regard vers Joan, l'air de dire "c'est vrai ça ?", tandis que les voix dans la tête du jeune homme recommençaient à parler...

« Eh oui... Ce grand maigre a pour mission de te ramener à Tréno, mort ou vif, et il n'en a pas l'air comme ça, mais il est bel et bien capable de tuer ! Peut-être devrais-tu faire quelque chose pour te défendre, par exemple le tuer avant que lui en ait l'occasion...
- Non, ça n'arrivera pas, alors la ferme ! »

Ça, c'était Arthur qui venait de crier d'un seul coup, l'air visiblement assez en colère...

« Pardon, elles me mettent sur les nerfs... » s'excusa-t-il juste après.

La femme sembla réfléchir un instant, puis elle se tourna en direction de Conan.

« Eh... Tu avais pas dit que ça te rappelait un truc de chez toi ?
- La Brume ?
- Oui, qu'est-ce que c'est, exactement ?
- C'est brumeux... » lança sarcastiquement Christopher.
« Bah oui c'est sûr que c'est brumeux ! » répondit Conan. « MAIS ! En fait, ça contiendrait les âmes des gens morts !
- Oh. » La femme se mit à réfléchir. « Alors ça peut paraître être une idée saugrenue, mais... Et si la Brume avait traversé un portail pour venir ici, dans un endroit où sûrement beaucoup de gens sont morts, et ça a créé cette rumeur de fantômes ?
- Donc ça serait des fantômes qui nous feraient voir ça et nous racontent plein de trucs ? Et pourquoi, juste pour se moquer de nous en nous regardant paniquer ? » supposa Christopher.
« Ou bien... Ce sont des âmes de personnes mal intentionnées. Et leur but et de nous liguer les uns contre les autres, ou faire en sorte de miner notre moral, pour nous pousser à nous entretuer ou à nous suicider pour qu'on les rejoigne. » dit Arthur.

À moins que Joan ou Irga ne dise quelque chose, le silence régna un instant...

« C'est une belle supposition... » reprit la voix. « Et elle est correcte ! Félicitations ! »

Et cette fois-ci, tout le monde semblait pouvoir l'entendre...

« Pour être honnêtes, on a été un petit peu déçus. Certains d'entre vous n'ont pas beaucoup réagi, ça n'a pas marché comme on le voulait, bouhou. Mais sachez qu'on a accès à toutes vos informations personnelles, et tout ce qu'on vous a raconté, c'est vrai. »

Conan lança un regard en direction de Joan, tandis que Christopher claqua dans ses mains.

« Bon ! Vu que le problème est réglé et que finalement on risque rien, on va pouvoir retourner au coquillage pour finir notre nuit !
- Bien sûr que non, vous ne pourrez pas retourner au coquillage. Peut-être que vous pensez que comme vous ne pouviez pas interagir avec nos illusions, vous n'êtes pas en danger. Mais, permettez-moi de vous prouver l'inverse. »

La brume sous les pieds de tout le monde semblait bien plus épaisse... D'un coup, quelque chose attrapa la jambe de Joan et la tira vers l'arrière.

« COUREZ ! » s'écria Christopher, avant de détaler, suivi par le très courageux Conan...

Arthur attrapa Joan et le tira dans sa direction, forçant la force mystérieuse à lâcher sa jambe avant qu'elle ne l'emporte plus loin.

« Viens là ! »

La femme, qui avait attendu à côté, encouragea l'homme à les suivre et ils sortirent tous du tunnel. Mais la brume était partout, et on ne voyait pas grand-chose...

« Et maintenant, où est-ce qu'on va ?! On est fichus !! » paniqua l'homme.
« Peut-être... Qu'on devrait retourner au coquillage ? Après tout, on a nos affaires là-bas, et... Peut-être qu'on y sera plus en sécurité ? » proposa la femme.
« C'est complètement débile... » commenta Christopher.
« Les voix voulaient nous en faire sortir au début, peut-être qu'on y est protégés ? Sinon, elles auraient pu venir nous chercher à l'intérieur... »

Christopher finit donc par choisir d'y retourner, par défaut de trouver autre chose... Il devina un peu vite fait où pouvait se trouver le coquillage, avant d'y courir. Avant d'y arriver, l'homme tomba, sa jambe ayant été attrapée, et il commença à crier, paniqué. Arthur se stoppa, sembla réfléchir un instant...

« Oh, tu peux sûrement le sauver. Mais comme d'habitude, tu ne le feras pas. Tu ne peux pas réagir ici, devant tout le monde, et il va mourir par ta faute. » lança une des voix.

Arthur fronça les sourcils, l'air furieux, avant de lancer aux autres :

« Continuez sans moi, je vous rejoins tout de suite, ça va aller ! »

Il lâcha Joan et courut vers l'homme. Conan prit le relais en attrapant le jeune homme, et ils finirent par avoir le coquillage en vue. Ils se précipitèrent dedans, et s'attendirent à ce que la brume les attrape même à l'intérieur, mais... rien. Elle ne semblait pas entrer dans le coquillage. Et les voix s'étaient enfin tues, l'endroit redevenant silencieux.

« Eh ! Pourtant, j'ai une grande hache ! » avait protesté Conan quand Joan avait affirmé préférer Arthur. « Alors que lui, peut-être qu'il est plus costaud, mais il a pas d'arme ! »

Pas sûr que ça convainque Joan tout ça...

« Il a peut-être de la magie... » avait ensuite commenté la femme.
« Ah... Mais la magie c'est moins bien ! »

Le jeune homme n'avait jamais pu en faire, mais il en était sûr ; une belle et grande arme, ça ne pouvait faire que plus mal qu'un sort... ! Ils arrivèrent donc au coquillage, et Joan exprimait le fait qu'il en avait marre de voir Arthur disparaître, c'était compréhensible, il n'arrêtait pas de le faire !

« S'ils ne reviennent pas, qu'est-ce qu'on va faire ? » gémit l'homme sans nom. « Celui avec les lunettes, il connaît bien les lieux, non ? Comment on va pouvoir se guider sans lui... ?
- Oh mais, vous inquiétez pas ! Puisque monsieur Arthur est si fort, il reviendra avec lui et tout ira bien ! » grommela Conan, les bras croisés. Voilà qu'il boudait... S'il se montrait plus courageux en même temps, peut-être qu'on arrêterait de le prendre juste pour un jeune et frêle homme... « Voilà pour la peine je vais dormir, BONNE NUIT ! »

Et il monta à l'étage du coquillage où il y avait bel et bien les affaires de tout le monde, c'était bel et bien le bon endroit ! L’autre homme l’avait rejoint juste après, jugeant qu’aller à l’étage serait plus sûr que de rester devant l’entrée du coquillage ! Enfin, de toute façon, rien ne semblait entrer… On voyait juste la brume en dehors, mais c’était tout. Et tout était silencieux. Du coup, il ne restait au rez-de-chaussée de l’étrange bâtiment que Joan, la femme, et Irga, si elle n’était pas montée entre temps…

« Il n’y a pas de raisons qu’ils ne reviennent pas. » annonça la femme avec une voix qui se voulait rassurante, mais on sentait que sa voix tremblait un peu.

Finalement, après un moment, Arthur revint ! Il tenait Christopher par le col, et ce dernier avait l’air sous le choc… Le grand blond entra dans le coquillage, et posa l’homme à lunettes au sol.

« Il va bien… Je crois… »

Christopher avait de toute évidence vu quelque chose de terrible et ça n’avait pas choqué Arthur, mais soit… La femme avait fini par raccompagner l’infirmier à l’étage, tandis qu’Arthur se tenait devant l’entrée, l’air mal à l’aise…

« Il ne s’est rien passé de spécial ici, pendant mon absence ? » demanda-t-il à Joan.

Ah ça, plus bizarre que Conan, est-ce que c’était vraiment possible ? Oui, en sachant qu’il y a de toute façon toujours pire… D’ailleurs, si ce qu’il avait raconté plutôt, son histoire avec sa sœur, était vraie, il n’y avait pas de doute possible sur la raison pourquoi elle avait disparu : elle ne pouvait pas le supporter ! Voilà, c’était évident pourtant, et lui ne s’en rendait même pas compte… ! Enfin bref, il était reparti à l’étage de toute façon, et à présent ne se trouvaient au rez-de-chaussée que Joan et Arthur. Après, bon, qu’ils soient à l’étage ou ici, ça ne changeait pas grand-chose, personne n’allait s’endormir, sauf Conan visiblement, comme s’il avait l’habitude de se retrouver dans des situations comme celles-là, et que du coup, ça ne lui faisait plus rien du tout !

Pour ce qui était des discussions à l’étage, on pouvait entendre la femme demander à Christopher ce qu’il s’était passé, mais elle ne recevait aucune réponse. Est-ce que l’homme à lunettes était dans un état de choc tel qu’il ne pouvait absolument pas parler, ou il s’arrangeait pour communiquer sans un mot ? Mystère… En tout cas, Joan lui aussi se demandait ce que pouvait bien avoir Christopher pour être dans un état pareil.

« Les voix ont dû lui murmurer des choses terribles, j’imagine… » répondit vaguement Arthur, jetant un coup d’œil à l’étage. D’ici, on ne voyait personne… « Conan, jaloux de moi ? Pourquoi ça ? »

Si l’homme au crâne à moitié rasé avait voulu sauver Christopher, il aurait dû se manifester plus tôt que ça ! Maintenant, c’était trop tard ! Joan demandait ce qu’il se passait dehors, et Arthur raconta donc :

« Des mains sont sorties de partout, et aussi d’autres créatures. » Il fronça les sourcils. « Apparemment, elles étaient censée représenter nos pires cauchemars, ou quelque chose qui se rapprochait de ça, c'est sans doute pour ça que Christopher a été traumatisé... » Il ne regardait pas du tout Joan en racontant tout ça… « J’ai finalement réussi à attraper Christopher et me frayer un chemin entre tout ça pour revenir ici… »

Là, il remarqua que le jeune homme le regardait, et l’homme blond tira sur ses manches comme pour cacher ses mains…

« On dirait que les créatures ne veulent pas entrer ici, avec un peu de chance, elles seront reparties demain matin. » fit remarquer Arthur en regardant à nouveau vers la sortie du coquillage.

Ce serait le mieux, surtout si personne ne dormait cette nuit. Parce que ce serait franchement embêtant qu’ils se fassent cueillir par des monstres après ne pas avoir passé de bonne nuit de sommeil…

« Ça m’étonnerait que je m’endorme, je vais rester ici pour monter la garde. » lança Arthur avec un faible sourire, avant de s’assoir par terre. « Tu es sûr de vouloir rester sur cette vieille chaise ? Si jamais tu finis quand même par t’endormir et que tu tombes de là… »

Ou que la chaise s’écroule toute seule sous son poids, parce qu’elle semblait bien vieille ! Une chaise-coquillage quand même, ça faisait bizarre, parce que les lits à l’étage n’étaient pas si coquillagés que ça… Est-ce que c’était non seulement confortable comme matière ?! Après, si Joan n’avait pas du tout l’intention de dormir, Arthur pouvait lui faire la conversation, au moins dans ce cas-là, le jeune homme ne risquerait pas de s’endormir, tomber de la chaise et se faire mal !

« Je ne sais plus si je te l’avais déjà demandé ou pas… » Sûrement pas, mais on ne savait jamais ! « Tu as l’intention d’aller quelque part en particulier ? Qu’est-ce que tu vas faire une fois arrivé là-bas ? »

Il avait parlé d’un certain Vingt-deux, peut-être qu’il voulait le rejoindre… ?

« Pourtant il faut de sacrés muscles pour porter une hache de cette taille… » commenta Arthur.

Et des muscles, Conan paraissait n’en avoir aucun ! Comment pouvait-il soulever son arme, ça, c’était un mystère. Il était donc forcément plus fort qu’il en avait l’air ! Il ne devait donc pas avoir de raison d’être si jaloux. Après, il n’aimait sûrement pas le fait que Joan donne plus d’attention à Arthur qu’à lui… Il devait sans doute aimer que l’attention soit uniquement tournée vers lui. Ça ne pouvait qu’être ça, parce que Conan et Joan ne paraissaient pas particulièrement proches, sinon…

« Ça va… » avait ensuite répondu l’homme blond, très évasif.

C’était ce genre de réponse qui, au contraire, criait "Non ! Ça ne va pas !!", mais soit… De toute façon, il n’avait pas l’air de vouloir en parler, il ne fallait donc pas insister.

« Le sol ne me dérange pas non plus, j’ai l’habitude. » répondit Arthur à Joan, avec un léger sourire.

La chaise coquillage ne lui paraissait pas très confortable, pourtant ! Il n’avait aucune idée de la matière exacte d’un coquillage, mais si jamais un bout se cassait, il imaginait que ça deviendrait tranchant. Et il n’avait sûrement pas envie d’avoir un truc pointu qui lui pique les fesses ! Enfin, il n’y avait pas l’air d’en avoir sur cette chaise-ci, ou alors Joan ne ressentait pas la douleur, mais ça Arthur en doutait… Il s’imaginait qu’il serait déjà tombé à cause de ça ! D’ailleurs, en parlant de tomber de la chaise…

« Tout ça pour que je te sauve héroïquement de cette chute… » commenta l’homme aux yeux rouges, l’air amusé.

Puis Joan résuma ce qu’il allait faire ensuite, une fois arrivé au Village Glaçon. Voler l’homme ailé de son frère… ? Son frère était en couple avec un homme-oiseau et le jeune homme voulait le lui prendre… ? Puis, Joan mentionna qu’ils retourneraient à Dol, et Arthur se dit finalement que ça devait peut-être être une invocation. Surtout que, bien plus tôt dans la journée, alors qu’ils étaient encore dans le vaisseau avant l’attaque des Chiens, Joan avait parlé d’une Guardian Force…

« Ce n’est pas très poli de voler des gens à quelqu’un d’autre ! » lança l’homme blond d’un ton moralisateur ! Enfin il avait de toute façon l’air amusé, c’est qu’il n’était pas vraiment en colère d’entendre tout ça… « J’imagine que le bonhomme est le fameux Vingt-deux ? Où est-il précisément ? »

Si jamais c’était vraiment dangereux d’aller le retrouver, qu’ils ne pouvaient pas se débrouiller tout seul, ou qu’on le lui suppliait avec beaucoup d’insistance, peut-être qu’Arthur pourrait les aider… ! Et, pour ce qui était du sommeil :

« Ça ira, je peux encore tenir une éternité sans dormir. »

Ah ça… Une éternité… Il se mit ensuite à regarder le sol, lorsque Joan posa ses deux dernières questions.

« Bonne question. Je pensais essayer de retrouver une personne que je connais, mais il peut être n’importe où… Autant chercher une aiguille dans une botte de foin, et encore, ça irait plus vite ! » Il soupira, avant de reporter son regard sur le jeune homme. « Je viens aussi de Dol, de Winhill précisément. J’aime bien ce coin, il est tranquille, tu y as déjà fait un tour ? »

Les voilà à presque parler du temps qu’il faisait ! Quoi qu’il en soit, ils parlèrent le restant de la nuit (du moins, si Joan ne s’était pas endormi avant le matin), et quand enfin le jour pointa le bout de son nez, les autres à l’étage avaient fini par descendre. Christopher avait même l’air d’avoir repris du poil de la bête ! Même s’il lançait des regards nerveux en direction d’Arthur, et qu’il se posta le plus loin possible de ce dernier…

« Bon ! S’il n’y a plus d’apparition fantomatique, on va pouvoir repartir ! » lança l’homme à lunettes. « Qui se porte volontaire pour aller jeter un œil dehors ?
- Moi ! Moi !! » s’écria Conan, sans laisser le temps à quiconque de répondre…

Et il s’était dirigé d’un pas confiant en direction de la sortie. Une fois dehors, il ne fallut pas longtemps pour qu’on entende un "plof", suivi d’un "aie", et ensuite la voix de l’homme au crâne à demi rasé qui retentit :

« Y a rien du tout, j’ai juste trébuché sur un caillou et je me suis cassé la figure ! »

Ah bah bravo… Christopher se frappa le front de sa main, avant de signaler à tout le monde de sortir. Il n’y avait effectivement rien à l’extérieur, plus de brume, ni la moindre trace des étranges mains. Et c’était silencieux, à nouveau, aucune voix ne s’immisçait dans leur esprit. Est-ce que ce n’était qu’une apparition nocturne ? Ou un rêve ou une hallucination collective ? À moins de rester encore une nuit de plus, ils n’en auront pas la réponse. Mais tout le monde serait sûrement d’accord sur le point suivant : hors de question de rester plus longtemps ici ! Alors, l’infirmier dirigea tout ce petit monde vers l’autre sortie du village désert, pour se diriger enfin vers le Village Glaçon, qui les attendait depuis maintenant bien trop longtemps !